Crise politique et financière : Comment protéger son épargne ?

Face à la volatilité de la bourse de Paris, au risque de baisse des actions et de flambée des taux d’intérêts les gestionnaires de portefeuilles appellent les épargnants à garder leur sang-froid. L’éclairage de Philibert de Rambuteau, Directeur Général de Tiepolo.

Il faut être vigilant car cette échéance va créer une volatilité supplémentaire touchant les actifs français, et en particulier des secteurs comme les banques ou les services aux collectivités.  Les obligations du Trésor ne seront pas épargnées et le spread OAT/Bund risque de se creuser illustrant l’inquiétude des investisseurs. Plus l’incertitude s’installera plus la volatilité sera élevée. Notre ligne de conduite dans ces situations troubles est claire : rester investis, désensibiliser d’un cran l’exposition « France », conserver une poche de liquidités pour profiter d’éventuels excès de baisse après le vote. Le cœur des portefeuilles reste composé de sociétés solides au rayonnement international, générateurs de flux de trésorerie positifs et de dividendes.

Le CAC 40, avec un gain de 7% depuis le début de l’année, est le bonnet d’âne des bourses européennes (+22% en Allemagne, +31% en Espagne, +27% en Italie…), comment l’expliquez-vous ? Qu’est ce qui freine l’ardeur des épargnants ?

Le retard de l’indice CAC 40 peut s’expliquer par trois freins : i) un poids élevé du secteur luxe en phase de digestion après des années d’ascension ; ii) une prime de risque « France » liée à l’instabilité politique, au vote du budget et à l’endettement (3 300 milliards d’euros) qui inquiète les investisseurs étrangers et freine les flux ; iii) l’attrait persistant des Français pour les produits peu risqués dirigeant les flux vers les fonds monétaires et les fonds euros. Le retour en grâce viendra lorsque la visibilité politique et budgétaire sera plus nette et que la confiance envers les actifs français reviendra. En attendant, nous privilégions les actifs de qualité et la diversification internationale.

François Bayrou martèle que la France est au bord du surendettement. Quels sont les risques concrets d’une dégradation de la note de la France ?

Le sujet n’est pas la faillite, mais le coût d’une dégradation ; en effet si la note de crédit de la France était abaissée nous allons payer plus cher nos intérêts. Cela renchérit le financement de l’État, puis par capillarité celui des entreprises et des ménages qui devront financer par plus d’impôts la hausse des taux d’intérêt réclamés par les investisseurs pour acheter des obligations françaises. Mais le véritable enjeu réside dans la capacité de la France à engager des réformes structurelles pour contenir la dynamique de la dette et restaurer une trajectoire de croissance durable.

La croissance française a été révisée à la baisse. Comment cela se traduit-il dans les prévisions de résultats des entreprises ? Faut-il craindre un vent mauvais de « profit warning » ?

La baisse des prévisions de croissance se traduit par un ralentissement de la consommation, une pression sur les marges et une prudence accrue dans les investissements. Le risque de « profit warning » existe mais surtout pour les secteurs et les entreprises dépendants de la demande intérieure ou de l’investissement privé. Toutefois, les grands groupes du CAC 40, très internationalisés, disposent d’un amortisseur naturel grâce à leurs revenus mondiaux. Le danger immédiat n’est donc pas une vague massive d’alertes sur résultats, mais plutôt un climat de prudence qui pourrait freiner l’attractivité et la dynamique boursière en France.

Pour relancer la croissance, la perspective de baisse des taux directeurs -des deux côtés de l’Atlantique- doit-elle modifier l’équilibre des actifs dans les portefeuilles ?

La perspective de baisses de taux, tant en Europe qu’aux États-Unis, modifie l’équilibre des portefeuilles. D’un côté, elle augmente la rentabilité des obligations car leur valorisation augmente mécaniquement. De l’autre, elle soutient les actifs risqués, notamment les actions, en réduisant le coût du capital et en stimulant l’investissement. Dans ce contexte, les investisseurs doivent arbitrer entre sécurité et rendement. Une approche équilibrée consisterait à augmenter légèrement la part obligataire au détriment des fonds monétaires, tout en renforçant l’exposition aux valeurs de croissance très en retrait depuis le début de l’année et qui profiteront de la baisse des taux en soutenant leur valorisation.

Les Etats-Unis autorisent désormais les cryptomonnaies dans des plans d’épargne retraite. Le bitcoin devient-il un actif incontournable ?

L’éligibilité des cryptomonnaies dans les plans d’épargne retraite, à l’image des 401(k) américains, confère à ces actifs une reconnaissance institutionnelle nouvelle. Théoriquement, leur faible corrélation avec les classes d’actifs traditionnelles peut améliorer la diversification. Toutefois, leur volatilité extrême, l’incertitude réglementaire et les risques de piratage demeurent incompatibles avec une allocation significative. Les cryptomonnaies doivent donc être envisagées comme une composante marginale et complémentaire, susceptible d’apporter du rendement mais uniquement dans une proportion prudente. Elles constituent davantage un outil opportuniste de spéculation qu’une allocation stratégique.

L’or, actif refuge par excellence, a-t-il encore de beaux jours devant lui ?

L’or conserve son statut de valeur refuge, en particulier dans les phases d’incertitude géopolitique ou monétaire. Sa rareté et son rôle historique en font un actif de confiance dans les périodes de stress de marché. Néanmoins, son absence de rendement intrinsèque le rend moins compétitif lorsque les taux d’intérêt réels sont élevés. À moyen terme, il restera un actif de couverture pertinent dans les portefeuilles diversifiés, mais sa performance dépendra largement de l’évolution des taux réels et de la stabilité des marchés financiers. L’or n’a pas perdu sa place dans une allocation de long terme.

Philibert de Rambuteau

Directeur Général