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"Les conglomérats renaissent chez les BigTechs" – Chronique de Bertrand Jacquillat
La grande vague des opérations de scission, fusion et acquisition survenue d’abord aux Etats-Unis dans les années 1980 s’est nourrie du démantèlement des conglomérats industriels à la suite des critiques de Michael Jensen, professeur à Harvard, quant à la mauvaise allocation de leurs ressources et leur inefficience opérationnelle : General Electric, Toshiba, Johnson & Johnson, 3M, Kellog, Siemens et ThyssenKrupp, DowDuPont, United Technologies, CGE, etc. Alors que disparaissaient ces conglomérats industriels, les géants de la technologie se sont progressivement imposés comme leur version contemporaine, et se sont mis à faire tout pour tout le monde à l’instar d’Amazon : commerce en ligne, supermarchés, services informatiques via le cloud, logistique internationale, production de films, hauts parleurs intelligents, sécurité des bâtiments, projets de réseaux satellitaires, voitures autonomes, etc. Le business model des néo-conglomérats d’aujourd’hui que sont devenus les Apple, Amazon, Facebook, Google, Microsoft ne repose pas a priori sur la gestion d’un portefeuille d’activités diversifiées, comme c’était le cas des conglomérats d’antan. Il s’en remet à l’utilisation d’infrastructures numériques d’une puissance colossale et au traitement de milliards de données (le big data), devenues l’or noir des temps modernes. Ces néo-conglomérats bénéficient des économies d’échelle et des rendements croissants liés à la demande, lesquels découlent des effets de réseau. Et plus ils comptent d’utilisateurs, plus ils créent de la valeur. La puissance de l’ingénierie et l’accès aux données permettent des économies d’échelle et de gamme dans le développement de nouveaux produits, de sorte qu’Il existe une plus grande proximité entre les activités et les produits de ces néo-conglomérats technologiques qu’entre ceux de leurs ancêtres industriels. Les montres et les écouteurs d’Apple, comme ses séries télévisées et ses programmes musicaux font toutes partie du même écosystème autour de son iphone. Mais ces néo-conglomérats technologiques feront sans doute un jour l’objet d’un démantèlement, d’abord sous l’effet de nouvelles réglementations des pouvoirs publics suscitées par les politiques antitrust et de protection des données personnelles, mais surtout sous l’effet de la concurrence dans les multiples industries qu’ils ont pénétrées. Et la concurrence constitue une meilleure protection contre leurs excès que la régulation. Il faut faire confiance dans l’hubris, ce sentiment d’invincibilité, qui a très largement et particulièrement contaminé les dirigeants de ces néo-conglomérats au fait de leur puissance. Les marchés financiers ont d’ailleurs commencé à les sanctionner en faisant s’envoler ezn 2022 plus de 2000 Mds$ de leur capitalisation boursière. L’évolution macroéconomique, l’inflation et la hausse des taux d’intérêt n’en sont pas la seule cause. Les conseils d’administration vont commencer à demander des comptes, les actionnaires à poursuivre en justice les dirigeants qui ont procédé à des diversifications extraordinairement hasardeuses et terriblement coûteuses (Facebook avec le métavers ? Elen Musk avec Twitter ?), et les fonds activistes, frustrés de l’insuffisance de leurs performances, à tourner autour de certaines proies, comme jadis au bon vieux temps. Mais tel un phénix, d’autres conglomérats, d’un autre type, sous d’autres formes, renaîtront sur les cendres de ces néo- conglomérats BigTech disparus.
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