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"Les fausses raisons des rachats d’actions au cimetière des idées reçues" – la chronique de Bertrand Jacquillat
Les sociétés cotées françaises ont annoncé un montant record de 28 milliards € de rachat d’actions pour l’ensemble de l’année qui s’achève, dont environ la moitié par TotalEnergies et BNP Paribas. Comment comprendre ces opérations ?
Sauf à modifier leur structure financière en s’endettant, les sociétés rachètent leurs propres actions à partir des résultats qu’elles ont dégagé, comme pour les dividendes. Autorisés en France depuis 1998, les rachats d’actions n’ont pas bonne presse. Au cimetière des idées reçues les concernant figurent en bonne place un certain nombre de fausses raisons : soutenir les cours de l’action et ainsi favoriser les actionnaires au détriment des autres parties prenantes de l’entreprise, répondre au désir des dirigeants de s’enrichir, etc. Mais, pas plus qu’un retrait à un distributeur automatique de billets de banque n’enrichit ceux qui l’effectuent, les rachats d’actions, comme les dividendes, n’enrichissent les actionnaires, sauf cas de création de valeur évoqués ci-après.
C’est juste la composition de leur portefeuille qui s’en trouve modifiée, il comporte davantage de liquidités, mais pas sa valeur qui reste la même.
En cas de rachats d’actions, c’est la valeur des capitaux propres qui baisse du montant de ceux-ci. Pour autant la valeur de l’action se maintient du fait de la hausse du pourcentage de détention que représente chaque action restant en circulation à la suite de l’annulation des actions rachetées.
Le problème n’est donc pas de savoir si la réduction de capital, conséquence du rachat d’actions, va entraîner une hausse du bénéfice par action, laquelle est mécanique, mais de savoir si le rachat d’actions est créateur de valeur. En principe non, sauf si l’une ou l’autre des trois conditions suivantes se trouve réunies : le cours auquel s’effectue le rachat est inférieur à la valeur estimée de l’action, auquel cas les actionnaires qui ont gardé leurs titres vont bénéficier de cette plus-value implicite ; l’accroissement du poids de la dette dans la structure du bilan du fait de la réduction du montant des fonds propres va contraindre les dirigeants à une meilleure performance, ce qui se traduira par une augmentation des bénéfices futurs ; ou encore les fonds ainsi rendus aux actionnaires auraient une rentabilité inférieure au coût du capital de l’entreprise.
Au niveau macroéconomique, les rachats d’actions constituent un formidable outil de circulation des richesses. Ils permettent en effet de réallouer une ressource rare, les capitaux propres, d’entreprises qui n’en ont plus l’utilité, vers des entreprises qui en ont besoin pour investir. Ce ne sont d’ailleurs pas les mêmes sociétés qui sont les championnes des rachats d’actions et celles qui sont les championnes des investissements. Mais les rachats d’actions des premières contribuent à financer pour partie les investissements des secondes.
Les fondements du fonctionnement d’une économie capitaliste sont souvent mal compris. Il en est ainsi des motivations qui président aux rachats par les sociétés de leurs propres actions. Celles-ci relèvent d’une saine gestion de leurs capitaux propres. Il convient de laisser au cimetière des idées reçues les fausses raisons avancées pour les expliquer.
Le 7 décembre 2023
Bertand Jacquillat est Vice-président du Cercle des Economistes et Senior Advisor chez Tiepolo.
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